Dans cette entrevue sur Recode, Ellen Pao souligne que la diversité dans le monde des technologies n’est pas mise priorisée, parce que les décideurs ont peur de « baisser les standards » en offrant des postes aux femmes et aux personnes issues de groupes minoritaires. Les décideurs n’offrent pas des postes aux femmes de couleur, parce qu’ils ont l’impression de ne pas trouver des personnes avec les bonnes compétences. Pao souligne que ce problème est seulement soulevé lorsque l’on parle des femmes et des groupes minoritaires. Protéger les standards, c’est une autre manière cachée de refuser une entrevue; et en général de réduire les opportunités.
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Qu’est-ce que le mérite? Retour aux bases... 

Dans un monde idéal, les opportunités devraient être données au mérite. Dans l’Encyclopédie de Diderot, le mérite c’est une qualité donnée pour remercier les actions bienfaisantes en accord avec la morale. Plus une action est dure, plus elle est réalisée volontairement, plus son auteure aura du mérite.

À ce compte, les standards sont souvent vus comme des règles rationnelles pour juger et comparer les mérites des personnes. Dans le monde éclairé de Diderot, les règles doivent provenir de la morale qui est évidente aux relations humaines. Les jugements de mérite ne doivent pas être subjectifs.

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Dans la vraie vie de 2018, le mérite n’est pas jugé par des standards moraux objectifs. Les organisations prennent des décisions dans les limites des contraintes financières et réglementaires. Bien qu’il y ait des règles déontologiques qui encadrent l’embauche, le processus d’embauche reste très subjectif. 

La firme McKinsey vient de publier son étude annuelle sur la place des femmes et des minorités dans le monde du travail aux des États-Unis. Depuis 2014, la firme constate un progrès dans la promotion des femmes dans des postes de décision. Cependant, les personnes de couleur constituent toujours une part moins importante des employés. Les femmes Noires sont les moins présentes à tous les échelons.

Les médias sociaux sont un domaine avec une forte présence féminine. Mais un autre fait marquant, c’est la mise en valeur de compétences féminines. Dans leur étude Duffy et Schwartz démontrent que la douceur, la sociabilité et la gestion multitâches sont les principales valeurs mises de l’avant dans les offres d’emploi en communication numérique. Ces valeurs sont bien qu’elles soient associées à des tâches de soutien aux personnes, elles sont considérées comme du travail naturel pour les femmes. En plus d’être naturelles, ces tâches sont dévaluées et rendues invisibles au profit des tâches d’ingénieur.

À vrai dire, les experts en analytique d’affaires viennent de Mars et les expertes en communication numérique viennent de Vénus.

Le monde du travail des médias sociaux est marqué par une féminisation des tâches et dévalorisation de la contribution professionnelle. Mais cette tendance s’inscrit dans le cadre général de la dévalorisation de la contribution des femmes. Mais on le devine bien, les défis d’intégration sont multipliés pour les personnes de couleur et celles avec des identités intersectionnées. 
Tel que Ellen K. Pao le souligne bien, il n'est pas suffisant  de « lean in »  ;  ce n'est pas juste parce que l'on travaille super fort et que l'on montre sa valeur que l'on sera vraiment écouté. 
Plus le temps passe, plus je doute que le mérite soit vraiment un critère objectif, lorsqu'il est adossé à la performance et aux compétences.